Sara Cone Bryant (1873-1956)
Il était une fois une petite poule rousse, qui vivait dans sa petite maison, toute seule. Un vieux Renard, habile et rusé, demeurait au milieu des rochers, sur une colline, non loin de là. Au fond de son terrier, maître Renard rêvait, le jour et la nuit, au moyen d’attraper la petite Poule rousse.
«Comme elle doit être tendre!» pensait-il. Si seulement je pouvais la mettre bouillir dans ma grande marmite! Quel fameux souper pour ma vieille mère et pour moi!
Mais il ne pouvait pas venir à bout de la petite Poule rousse, parce qu’elle était trop fine et trop prudente. Toutes les fois qu’elle sortait, elle fermait sa porte, et prenait sa clef, et quand elle rentrait, elle s’enfermait soigneusement, et mettait la clef dans la poche de son tablier, avec son dé et ses ciseaux.
A la fin, le Renard pensa qu’il avait trouvé un bon moyen. Il partit de grand matin, en disant à sa vieille mère:
– Mets la grande marmite sur le feu , nous aurons la petite poule rousse pour notre souper.
Il mit sous son bras un grand sac et courut jusqu’à la maison de la petite poule. Elle venait justement de sortir pour ramasser des copeaux afin d’allumer son feu. Le Renard se glissa derrière la pile de bois et, pendant qu’elle était baissée, il fila dans la maison et se cacha derrière la porte.
Une minute après, la petite poule rousse rentra, en disant :
– Je vais fermer la porte, et après je serai bien tranquille…
Et comme elle se retournait, elle vit le renard, avec son grand sac sur l’épaule! Hou! comme la petite Poule fut effrayée! Mais elle ne perdit pas la tête, elle laissa tomber ses copeaux, et vola sur la plus haute armoire, d’où elle cria au vilain vieux renard :
– Tu ne me tiens pas encore!
– Nous allons voir ça, dit maître renard.
Et que croyez-vous qu’il fit ? Il se planta sur le plancher, juste au-dessous de la petite Poule rousse, et il se mit à tourner, à tourner, à tourner après sa queue, tout en rond, et de plus en plus vite, si bien que la pauvre petite Poule en fut tellement étourdie qu’elle en perdit l’équilibre et tomba juste dans le grand sac que le renard avait posé tout ouvert à côté de lui ! Il jeta le sac sur son épaule et partit pour sa caverne, où la marmite bouillait sur le feu.
Il lui fallait monter toute la colline, et le chemin était long. La petite poule rousse ne savait d’abord pas où elle en était, tellement la tête lui tournait; mais, au bout d’un moment, elle reprit ses sens; elle tira alors ses ciseaux de sa poche, et clip! fit un petit trou dans le sac et passa la tête au dehors. Quand elle fut à un endroit favorable, clip, clip, elle fendit le sac, se glissa dehors, tout en tenant le fond du sac et vite, vite, elle y fourra une grosse pierre.
Après quoi, elle prit son vol, et fila aussi vite qu’elle put jusqu’à la maison, où elle s’enferma bien soigneusement.
Le vieux renard continuait sa route, bien content, avec la pierre dans le sac, et se disant : “ Comme cette petite Poule rousse est lourde; je ne la croyais pas si grasse. Elle va me faire un fameux souper! “ Il arriva assez fatigué à la caverne, et, dès que sa vieille mère le vit, elle lui cria :
– As-tu la petite poule rousse ?
– Oui, oui, dit-il. Est-ce que l’eau est chaude ?
– Elle bout à gros bouillons, dit la vieille mère.
– Alors, attention. Ôte le couvercle de la marmite, je secouerai le sac et ferai tomber la petite poule rousse dedans, et toi, tu veilleras, de crainte qu’elle ne s’envole.
La vieille mère renard ôta le couvercle de la marmite, et se tint tout près. Le renard ouvrit légèrement le sac sans regarder dedans, le prit par le fond et le secoua au-dessus de la marmite.
Plouf! plouf! La grosse pierre tomba dans la marmite, qui se renversa et échauda le renard et sa vieille mère, de sorte qu’ils furent tellement brûlés qu’ils en moururent.
Et la petite poule rousse resta dans sa petite ferme, où elle vécut heureuse tous les jours de sa vie.
Le frère de Jean malpropre
Sara Cone Bryant (1873-19..)
Il y avait une fois un garçon petit qui était si désordonné qu’on l’appelait Jean Malpropre. Il laissait ses livres traîner sur le plancher et mettait ses bottines crottées sur la table ; il fourrait ses doigts dans les confitures et renversait l’encrier sur son tablier neuf. Jamais on n’avait vu pareil désordre.
Un jour, la fée Soigneuse entra dans la chambre de Jean ; et si vous aviez vu la figure qu’elle fit !
– Ça ne peut pas continuer comme ça, dit la fée. Il n’y a pas de fin à votre désordre. Allez dans le jardin et jouez avec votre frère, dit la fée.
– Je n’ai pas de frère, répond Jean
– Oh ! si, vous en avez un, dit la fée. Peut-être que vous ne le connaissez pas, mais il vous reconnaîtra bien, lui. Allez dans le jardin et attendez-le. Il viendra certainement.
– Je ne sais pas ce que vous voulez dire, fit Jean ; mais il descendit tout de même au jardin et commença à jouer avec la boue .
Bientôt, un petit écureuil sauta par terre, remuant sa jolie queue touffue.
– Est-ce vous qui êtes mon frère ? demanda le petit garçon.
L’écureuil le toisa du haut en bas.
– Eh bien ! j’espère que non, dit-il. Ma fourrure est bien brossée, mon nid proprement fait et mes enfants sont très bien élevés. Pourquoi est-ce que vous m’insultez avec votre question?
Il sauta sur un arbre, et Jean Malpropre attendit.
Un petit rouge-gorge arriva en sautillant.
– Êtes-vous mon frère ? demanda Jean.
– Non, vraiment ! fit le rouge- gorge. Il y a des gens d’une impertinence !… Vous ne trouverez personne d’aussi soigné que moi dans tout le jardin, mon cher. J’ai passé toute la toute la matinée à lisser mes plumes, et je voudrais que vous voyiez ma femme couver nos oeufs ! Ils sont si doux et si propres ! Votre frère, en vérité ! Vous n’y pensez pas ! Il hérissa ses plumes, et s’envola, et l’enfant attendit.
Un peu après, arriva un beau chat angora. Il avançait avec précaution pour ne pas se salir les pattes.
– C’est vous qui êtes mon frère ? demanda le petit le petit garçon.
– Allez vous regarder dans la glace ! répartit le petit chat avec hauteur. Depuis ce matin, je me lèche au soleil, et on voit bien que vous ne vous lécher pas, vous ! Il n’y a personne de votre espèce dans ma famille, je suis heureux de vous le dire. Il fit le gros dos et s’en alla, et Jean se sentit assez déconcerté.
Bientôt après, un cochon arriva en trottant. Jean Malpropre n’avait envie de rien lui demander, mais le cochon n’attendit pas longtemps.
– Bonjour, frère, grogna-t-il.
– Je ne suis pas votre frère, dit l’enfant.
– Oh ! que si, dit le cochon. J’avoue que je ne suis pas très fier de vous, mais on reconnaît partout les membres de notre famille. Venez vite ; nous irons prendre un bon bain dans la mare, et nous rouler sur le fumier.
– Je n’aime pas aller vers le fumier, dit Jean.
– Racontez ça aux poules, voulez-vous ? dit le cochon.
Regardez vos mains et vos pieds, et votre tablier ! Venez, allons ! Nous aurons du bon temps, et vous pourrez avoir de la lavasse et du son pour dîner, s’il en reste.
– Je ne veux pas de lavasse ! cria Jean, et il se mit à pleurer.
Juste à ce moment, arriva la fée soigneuse.
– J’ai tout rangé et tout nettoyé, dit-elle, et il faudra que cela reste ainsi, à présent. Voulez-vous allez avec votre frère ou venir avec moi et apprendre à être propre?
– Avec vous ! avec vous cria Jean en s’accrochant à la robe de la fée.
– Tant mieux ! grommela le cochon, c’est une petite perte. Il y aura davantage de lavasse pour moi ! Et il s’en retourna.