Pierre Mille
Dans une cage, à la fenêtre de la chambre d’enfants, un serin chantait, un beau serin jaune.
Comme il chantait, l’oiseau couleur de tulipe sauvage, comme il chantait ! Aussitôt qu’il voyait le soleil, sa gorge se gonflait, son petit bec tremblait une seconde, comme s’il allait bégayer ; et puis il chantait, de toutes ses forces, des airs inventés, perpétuellement neufs. C’est encore un problème bien difficile à résoudre que de savoir pourquoi toutes les sympathies des poètes, et même des foules, vont au rossignol et jamais au serin. Il se peut que ce soit parce que le serin consent à chanter dans une cage, et en plein jour. Mais alors, c’est de l’ingratitude ! Je pense toutefois, pour avouer toute ma pensée, que le serin est au rossignol ce que la sérénade italienne contemporaine est au lied allemand. L’oiseau des vieux murs et des jardins feuillus a des accents qui vont au cœur, on ne sait par quels chemins ; l’autre a l’air seulement d’être la voix du soleil qui rit dans les rues. Mais c’est déjà bien beau, et on lui devrait de la reconnaissance : on n’en montre aucune. Pourtant, il y a tant de personnes qui préfèrent, au fond, la musique à fleur de peau. Le lied allemand ne plaît pas à tous les Français. Je voudrais savoir ce que nous penserions du rossignol s’il était jaune, en cage, chanteur de rues et de plein jour.