Conte de Antoine Galland

Il y avait autrefois à Casgar, aux extrémités de la Grande Tartarie, un tailleur qui avait une très belle femme qu’il aimait beaucoup et dont il était aimé de même. Un jour qu’il travaillait, un petit bossu vint s’asseoir à l’entrée de sa boutique et se mit à chanter en jouant du tambour de basque. Le tailleur prit plaisir à l’entendre et résolut de l’emmener dans sa maison pour réjouir sa femme ; il se dit à lui-même : « Avec ses chansons il nous divertira tous deux ce soir. » Il lui en fit la proposition, et, le bossu l’ayant acceptée, il ferma sa boutique et le mena chez lui.

Dès qu’ils y furent arrivés, la femme du tailleur, qui avait déjà mis le couvert, parce qu’il était temps de souper, servit un bon plat de poisson qu’elle avait préparé. Ils se mirent tous trois à table ; mais, en mangeant, le bossu avala, par malheur, une grosse arête ou un os, dont il mourut en peu de moments, sans que le tailleur et sa femme y pussent remédier. Ils furent l’un et l’autre d’autant plus effrayés de cet accident, qu’il était arrivé chez eux, et qu’ils avaient à craindre que, si la justice venait à le savoir, on ne les punît comme des assassins. Le mari néanmoins trouva un expédient pour se défaire du corps du mort ; il fit réflexion qu’il demeurait dans le voisinage un médecin juif ; et là-dessus, ayant formé un projet, pour commencer à l’exécuter, sa femme et lui prirent le bossu, l’un par les pieds, l’autre par la tête, et le portèrent jusqu’au logis du médecin. Ils frappèrent à sa porte, où aboutissait un escalier très roide, par où l’on montait à sa chambre. Une servante descend aussitôt, même sans lumière, ouvre, et demande ce qu’ils souhaitent. « Remontez, s’il vous plaît, répondit le tailleur, et dites à votre maître que nous lui amenons un homme bien malade, pour qu’il lui ordonne quelque remède. Tenez, ajouta-t-il, en lui mettant en main une pièce d’argent, donnez-lui cela par avance, afin qu’il soit persuadé que nous n’avons pas dessein de lui faire perdre sa peine. » Pendant que la servante remonta pour faire part au médecin juif d’une si bonne nouvelle, le tailleur et sa femme portèrent promptement le corps du bossu au haut de l’escalier, le laissèrent là et retournèrent chez eux en diligence.

Cependant, la servante ayant dit au médecin qu’un homme et une femme l’attendaient à la porte et le priaient de descendre, pour voir un malade qu’ils avaient amené, et lui ayant remis entre les mains l’argent qu’elle avait reçu, il se laissa transporter de joie se voyant payé d’avance, il crut que c’était une bonne pratique qu’on lui amenait et qu’il ne fallait pas négliger. « Prends vite de la lumière, dit-il à sa servante, et suis-moi. » En disant cela, il s’avança vers l’escalier avec tant de précipitation, qu’il n’attendit point qu’on l’éclairât ; et, venant à rencontrer le bossu, il lui donna du pied dans les côtes si rudement, qu’il le fit rouler jusqu’au bas de l’escalier ; peu s’en fallut qu’il ne tombât et ne roulât avec lui. « Apporte donc vite de la lumière », cria-t-il à sa servante. Enfin elle arriva ; il descendit avec elle, et, trouvant que ce qui avait roulé était un homme mort, il fut tellement effrayé de ce spectacle, qu’il invoqua Moïse, Aaron, Josué, Esdras, et tous les autres prophètes de sa loi. « Malheureux que je suis ! disait-il, pourquoi ai-je voulu descendre sans lumière ! J’ai achevé de tuer ce malade qu’on m’avait amené. Je suis cause de sa mort, et, si le bon âne d’Esdras ne vient à mon secours, je suis perdu. Hélas ! on va bientôt me tirer de chez moi comme un meurtrier. »

Malgré le trouble qui l’agitait, il ne laissa pas d’avoir la précaution de fermer sa porte, de peur que par hasard quelqu’un venant à passer par la rue ne s’aperçût du malheur ont il se croyait la cause. Il prit ensuite le cadavre, le porta dans la chambre de sa femme, qui faillit s’évanouir quand elle le vit entrer avec cette fatale charge. « Ah ! c’est fait de nous, s’écria-t-elle, si nous ne trouvons moyen de mettre, cette nuit, hors de chez nous ce corps mort ! Nous perdrons indubitablement la vie si nous le gardons jusqu’au jour. — Quel malheur ! Comment avez-vous donc fait pour tuer cet homme ? — Il ne s’agit point de cela, repartit le juif, il s’agit de trouver un remède à un mal si pressant. »

Le médecin et sa femme délibérèrent ensemble sur le moyen de se délivrer du corps mort pendant la nuit. Le médecin eut beau rêver, il ne trouva nul stratagème pour sortir d’embarras ; mais sa femme, plus fertile en inventions, dit « Il me vient une pensée : portons ce cadavre sur la terrasse de notre logis et le jetons, par la cheminée dans la maison du musulman notre voisin. »

Ce musulman était un des pourvoyeurs du sultan : il était chargé du soin de fournir l’huile, le beurre et toutes sortes de graisses. Il avait chez lui son magasin, où les rats et les souris faisaient un grand dégât.

Le médecin juif ayant approuvé l’expédient proposé, sa femme et lui prirent le bossu, le portèrent sur le toit de leur maison ; et, après lui avoir passé des cordes sous les aisselles, ils le descendirent, par la cheminée, dans la chambre du pourvoyeur, si doucement, qu’il demeura planté sur ses pieds contre le mur, comme s’il eût été vivant. Lorsqu’ils le sentirent en bas, ils retirèrent les cordes et le laissèrent dans l’attitude que je viens de dire. Ils étaient à peine descendus et rentrés dans leur chambre, quand le pourvoyeur entra dans la sienne. Il revenait d’un festin de noces auquel il avait été invité ce soir-là, et il avait une lanterne à la main. Il fut assez surpris de voir, à la faveur de sa lumière, un homme debout dans sa cheminée ; mais comme il était naturellement courageux, et qu’il s’imagina que c’était un voleur, il se saisit d’un gros bâton, avec quoi courant droit au bossu : « Ah ! ah ! lui dit-il, je m’imaginais que c’étaient les rats et les souris qui mangeaient mon beurre et mes graisses ; et c’est toi qui descends par la cheminée pour me voler ! Je ne crois pas qu’il te reprenne jamais envie d’y revenir. » En achevant ces mots, il frappa le bossu et lui donna plusieurs coups de bâton. Le cadavre tomba le nez contre terre ; le pourvoyeur redoubla ses coups ; mais remarquant enfin que le corps qu’il frappe est sans mouvement, il s’arrête pour le considérer. Alors, voyant que c’était un cadavre, la crainte commence à succéder à la colère. « Qu’ai-je fait, misérable dit-il. Je viens d’assommer un homme ! Ah ! j’ai porté trop loin ma vengeance. Grand Dieu ! si vous n’avez pitié de moi, c’est fait de ma vie. Maudites soient mille fois les graisses et les huiles qui sont cause que j’ai commis une action si criminelle ! » Il demeura pâle et défait ; il croyait déjà voir les ministres de la justice qui le traînaient au supplice ; il ne savait quelle résolution il devait prendre.

Le pourvoyeur du sultan de Casgar, en frappant le bossu, n’avait pas pris garde à sa bosse : lorsqu’il s’en aperçut, il fit des imprécations contre lui. « Maudit bossu, s’écria-t-il, chien de bossu plût à Dieu que tu m’eusses volé toutes mes graisses et que je ne t’eusse point trouvé ici : je ne serais pas dans l’embarras où je suis pour l’amour de toi et de ta vilaine bosse ! Étoiles qui brillez aux cieux, ajouta-t-il, n’ayez de la lumière que pour moi dans un danger si évident. » En disant ces paroles, il chargea le bossu sur ses épaules, sortit de sa chambre, alla jusqu’au bout de la rue, où l’ayant posé debout et appuyé contre une boutique, il reprit le chemin de sa maison, sans regarder derrière lui.

Quelques moments avant le jour, un marchand chrétien, qui était fort riche et qui fournissait au palais du sultan la plupart des choses dont on y avait besoin, après avoir passé la nuit en débauche, s’avisa de sortir de chez lui pour aller au bain. Quoiqu’il fût ivre, il ne laissa pas de remarquer que la nuit était fort avancée et qu’on allait bientôt appeler à la prière de la pointe du jour. C’est pourquoi, précipitant ses pas, il se hâtait d’arriver au bain, de peur que quelque musulman, en allant à la mosquée, ne le rencontrât et ne le menât en prison, comme un ivrogne. Néanmoins, quand il fut au bout de la rue, il s’arrêta pour quelque besoin contre la boutique où le pourvoyeur du sultan avait mis le corps du bossu, lequel, venant à être ébranlé, tomba sur le dos du marchand, qui, dans la pensée que c’était un voleur qui l’attaquait, le renversa par terre d’un coup de poing qu’il lui déchargea sur la tête ; il lui en donna beaucoup d’autres ensuite, et se mit à crier au voleur.

Le garde du quartier vint à ses cris ; et, voyant que c’était un chrétien qui maltraitait un musulman (car le bossu était de notre religion) : « Quel sujet avez-vous, lui dit-il, de maltraiter ainsi un musulman ? Il a voulu me voler, répondit le marchand, et il s’est jeté sur moi pour me prendre à la gorge. — Vous vous êtes assez vengé, répliqua le garde en le tirant par le bras ; ôtez-vous de là. » En même temps, il tendit la main au bossu pour l’aider à se relever ; mais, remarquant qu’il était mort : « Oh ! oh ! poursuivit-il, c’est donc ainsi qu’un chrétien a la hardiesse d’assassiner un musulman ! » En achevant ces mots, il arrêta le chrétien et le mena chez le lieutenant de police, où on le mit en prison jusqu’à ce que le juge fût levé et en état d’interroger l’accusé. Cependant le marchand chrétien revint de son ivresse ; et plus il faisait de réflexions sur son aventure, moins il pouvait comprendre comment de simples coups de poing avaient été capables d’ôter la vie à un homme.

Le lieutenant de police, sur le rapport du garde, et ayant vu le cadavre qu’on avait apporté chez lui, interrogea le marchand chrétien, qui ne put nier un crime qu’il n’avait pas commis. Comme le bossu appartenait au sultan, car c’était un de ses bouffons, le lieutenant de police ne voulut pas faire mourir le chrétien sans avoir auparavant appris la volonté du prince. Il alla au palais, pour cet effet, rendre compte de ce qui se passait au sultan, qui lui dit : « Je n’ai point de grâce à accorder à un chrétien qui tue un musulman : allez, faites votre charge. » A ces paroles, le juge de police fit dresser une potence, envoya des crieurs par la ville, pour publier qu’on allait pendre un chrétien qui avait tué un musulman.

Enfin on tira le marchand de prison, on l’amena au pied de la potence ; et le bourreau, après lui avoir attaché la corde au cou, allait l’élever en l’air, lorsque le pourvoyeur du sultan, fendant la presse, s’avança en criant au bourreau : Attendez, attendez ; ne vous pressez pas : ce n’est pas lui qui a commis le meurtre, c’est moi. » Le lieutenant de police, qui assistait à l’exécution, se mit à interroger le pourvoyeur, qui lui raconta de point en point de quelle manière il avait tué le bossu ; et il acheva en disant qu’il avait porté son corps à l’endroit où le marchand chrétien l’avait trouvé. « Vous alliez, ajouta-t-il, faire mourir un innocent, puisqu’il ne peut avoir tué un homme qui n’était plus en vie. C’est bien assez pour moi d’avoir assassiné un musulman, sans charger encore ma conscience de la mort d’un chrétien qui n’est pas criminel. »

Le pourvoyeur du sultan de Casgar s’étant accusé lui-même publiquement d’être l’auteur de la mort du bossu, le lieutenant de police ne put se dispenser de rendre justice au marchand. « Laisse, dit-il au bourreau, laisse aller le chrétien, et pends cet homme à sa place, puisqu’il est évident, par sa propre confession, qu’il est le coupable. » Le bourreau lâcha le marchand, mit aussitôt la corde au cou du pourvoyeur ; et, dans le temps qu’il allait l’expédier, il entendit la voix du médecin juif qui le priait instamment de suspendre l’exécution, et qui se faisait faire place pour se rendre au pied de la potence.

Quand il fut devant le juge de police : « Seigneur, lui dit-il, ce musulman, que vous voulez faire pendre, n’a pas mérité la mort ; c’est moi seul qui suis criminel. Hier, pendant la nuit, un homme et une femme que je ne connais pas vinrent frapper à ma porte, avec un malade qu’ils m’amenaient. Ma servante alla ouvrir sans lumière, reçut d’eux une pièce d’argent pour me venir dire, de leur part, de prendre la peine de descendre pour voir le malade. Pendant qu’elle me parlait, ils apportèrent le malade au haut de l’escalier, et puis disparurent. Je descendis sans attendre que ma servante eût allumé une chandelle ; et, dans l’obscurité, venant à donner du pied contre le malade, je le fis rouler jusqu’au bas de l’escalier. Enfin, je vis qu’il était mort, et que c’était le musulman bossu dont on veut aujourd’hui venger le trépas. Nous prîmes le cadavre, ma femme et moi ; nous le portâmes sur notre toit, d’où nous le passâmes sur celui du pourvoyeur, notre voisin, que vous alliez faire mourir injustement, et nous le descendîmes dans sa chambre par la cheminée. Le pourvoyeur, l’ayant trouvé chez lui, l’a traité comme un voleur, l’a frappé et a cru l’avoir tué ; mais cela n’est pas, comme vous le voyez par ma déposition. Je suis donc le seul auteur du meurtre ; et, quoique je le sois contre mon intention, j’ai résolu d’expier mon crime, pour n’avoir pas à me reprocher la mort de deux musulmans, en souffrant que vous ôtiez la vie au pourvoyeur du sultan, dont je viens vous révéler l’innocence. Renvoyez-le donc, s’il vous plaît, et me mettez à sa place, puisque personne que moi n’est cause de la mort du bossu. »

Dès que le juge de police fut persuadé que le médecin juif était le meurtrier, il ordonna au bourreau de se saisir de sa personne et de mettre en liberté le pourvoyeur du sultan. Le médecin avait déjà la corde au cou et allait cesser de vivre, quand on entendit la voix du tailleur qui priait le bourreau de ne pas passer plus avant, et qui faisait ranger le peuple pour s’avancer vers le lieutenant de police, devant lequel étant arrivé : « Seigneur, lui dit-il, peu s’en est fallu que vous n’ayez fait perdre la vie à trois personnes innocentes ; mais, si vous voulez bien avoir la patience de m’entendre, vous allez connaître le véritable assassin du bossu. Si sa mort doit être expiée par une autre, c’est par la mienne. Hier, vers la fin du jour, comme je travaillais dans ma boutique et que j’étais en humeur de me réjouir, le bossu, à demi ivre, arriva et s’assit. Il chanta quelque temps, et je lui proposai de venir passer la soirée chez moi. Il y consentit, et je l’emmenai. Nous nous mîmes à table, et je lui servis un morceau de poisson ; en le mangeant, une arête ou un os s’arrêta dans son gosier, et, quelque chose que nous ayons pu faire, ma femme et moi, pour le soulager, il mourut en peu de temps. Nous fûmes fort affligés de sa mort ; et, de peur d’en être repris, nous portâmes le cadavre à la porte du médecin juif. Je frappai, et je dis à la servante qui vint ouvrir de remonter promptement et de prier son maître, de notre part, de descendre pour voir un malade que nous lui amenions ; et, afin qu’il ne refusât pas de venir, je la chargeai de lui remettre en main propre une pièce d’argent que je lui donnai. Dès qu’elle fut remontée, je portai le bossu au haut de l’escalier, sur la première marche, et nous sortîmes aussitôt, ma femme et moi, pour nous retirer chez nous. Le médecin, en voulant descendre, fit rouler le bossu, ce qui lui a fait croire qu’il était cause de sa mort. Puisque cela est ainsi, ajouta-t-il, laisser aller le médecin et faites-moi mourir. »

Le lieutenant de police et tous les spectateurs ne pouvaient assez admirer les étranges événements dont la mort du bossu avait été suivie. « Lâche donc le médecin juif, dit le juge au bourreau, et pends le tailleur, puisqu’il confesse son crime. Il faut avouer que cette histoire est bien extraordinaire et qu’elle mérite d’être écrite en lettres d’or. » Le bourreau, ayant mis en liberté le médecin, passa une corde au cou du tailleur.

Pendant qu’il se préparait à le pendre, le sultan de Casgar, qui ne pouvait se passer longtemps du bossu, son bouffon, ayant demandé à le voir, un de ses officiers lui dit : « Sire, le bossu dont Votre Majesté est en peine, après s’être enivré hier, s’échappa du palais, contre sa coutume, pour aller courir par la ville, et il s’est trouvé mort ce matin. On a conduit devant le juge de police un homme accusé de l’avoir tué, et aussitôt le juge a fait dresser une potence. Comme on allait pendre l’accusé, un homme est arrivé, et, après celui-là, un autre, qui s’accusent eux-mêmes et se déchargent l’un l’autre. Il y a longtemps que cela dure, et le lieutenant de police est actuellement occupé à interroger un troisième homme, qui se dit le véritable assassin. »

A ce discours, le sultan de Casgar envoya un huissier au lieu du supplice : « Allez, lui dit-il, en toute diligence, dire au juge de police qu’il m’amène incessamment les accusés et qu’on m’apporte aussi le corps du pauvre bossu, que je veux voir encore une fois. » L’huissier partit, et, arrivant dans le temps que le bourreau commençait à tirer la corde pour pendre le tailleur, il cria de toute sa force que l’on suspendît l’exécution. Le bourreau, ayant reconnu l’huissier, n’osa passer outre et lâcha le tailleur. Après cela, l’huissier, ayant joint le lieutenant de police, déclara la volonté du sultan. Le juge obéit, prit le chemin du palais avec le tailleur, le médecin juif, le pourvoyeur et le marchand chrétien, et fit porter par quatre de ses gens le corps du bossu.

Lorsqu’ils furent tous devant le sultan, le juge de police se prosterna aux pieds de ce prince, et, quand il fut relevé, lui raconta fidèlement tout ce qu’il savait de l’histoire du bossu. Le sultan la trouva si singulière, qu’il ordonna à son historiographe particulier de l’écrire avec toutes ces circonstances ; puis, s’adressant à toutes les personnes qui étaient présentes : « Avez-vous jamais, leur dit-il, rien entendu de plus surprenant que ce qui vient d’arriver à l’occasion du bossu mon bouffon ? » Le marchand chrétien, après s’être prosterné jusqu’à toucher la terre de son front, prit alors la parole : « Puissant monarque, dit-il, je sais une histoire plus étonnante que celle dont on vient de vous faire le récit ; je vais vous la raconter, si Votre Majesté veut m’en donner la permission. Les circonstances en sont telles, qu’il n’y a personne qui puisse les entendre sans en être touché. » Le sultan lui permit de la dire, ce qu’il fit en ces termes :