HISTOIRE D’UN PETIT PIERROT PARESSEUX ET DISSIPÉ
Conte
Alphonse Allais
Il y avait une fois un petit Pierrot tout blanc, tout blanc, un amour de petit Pierrot.
Son papa qui s’appelait M. Pierrot-Willette, et sa maman, qui était Mme Pierrette, aimaient beaucoup leur petit Pierrotin.
Cependant, quand il fut devenu un grand petit garçon, ils n’hésitèrent pas à le renfermer dans une grande maison grise et triste qu’on appelle un lycée.
Là-dedans, le petit Pierrot s’ennuya ferme et ne voulut jamais apprendre ses leçons ni faire ses devoirs.
C’était très vilain.
Aussi le punissait-on tout le temps.
On le privait de promenades et de récréations, et même de sorties le dimanche.
C’était comme si on chantait.
Alors on lui supprima ses vacances du jour de l’An et de Pâques.
Ce fut comme si on eût chanté toujours.
À la fin, comme toute l’année il avait été paresseux et dissipé, le proviseur, M. Bidel, de concert avec la famille Pierrot, décida que l’élève Pierrot serait privé de grandes vacances.
Pendant ces deux mois longs et chauds, notre pauvre ami resta avec quelques élèves dont les parents demeuraient loin, loin, du côté des colonies.
À force de vivre avec ces petits pays chauds, Pierrot devint tout noir, lui aussi, car vous savez que ça s’attrape d’être nègre.
Quand, un matin, dans sa petite glace, il s’aperçut de la transformation, il fut tout désolé.
Justement les vacances étaient finies.
Une nouvelle année scolaire recommençait.
Petit Pierrot se mit à bien travailler et perdit ses habitudes de paresse et de dissipation.
Alors il ne fut plus jamais collé et il redevint bientôt le joli petit Pierrot blanc qu’il était et qu’il sera toujours maintenant.