Il remonte le courant d’eau vive et suit le chemin que tracent les cailloux: car il n’aime ni la vase, ni les herbes.

Il aperçoit une bouteille couchée sur un lit de sable. Elle n’est pleine que d’eau. J’ai oublié à dessein d’y mettre une amorce. Le goujon tourne autour, cherche l’entrée et le voilà pris.

Je ramène la bouteille et rejette le goujon.

Plus haut, il entend du bruit. Loin de fuir, il s’approche, par curiosité. C’est moi qui m’amuse, piétine dans l’eau et remue le fond avec une perche, au bord d’un filet. Le goujon têtu veut passer par une maille. Il y reste.

Je lève le filet et rejette le goujon.

Plus bas, une brusque secousse tend ma ligne et le bouchon bicolore file entre deux eaux.

Je tire et c’est encore lui.

Je le décroche de l’hameçon et le rejette.

Cette fois, je ne le verrai plus.

Il est là, immobile, à mes pieds, sous l’eau claire. Je distingue sa tête élargie, son gros œil stupide et sa paire de barbillons.

Il bâille, la lèvre déchirée, et il respire fort, après une telle émotion.

Mais rien ne le corrige.

Je laisse de nouveau tremper ma ligne avec le même ver.

Et aussitôt le goujon mord.

Lequel de nous deux se lassera le premier?